Harcèlement moral ou conditionnement psycho-judiciaire?
(à propos des chemins occultes de la dérive ulta-libérale)
Tout récemment, un groupe de psychiatres a tenté de savoir si ce qu'ils appellent curieusement "l'épidémie de plaintes en harcèlement moral au travail" serait plutôt le symptôme d'un monde du travail de plus en plus féroce, ou plutôt celui d'une inadéquaton croissante entre les exigences de cet univers et les aspirations de nos contemporain(e)s.
Le médecin du travail que je suis se permet d'avoir une opinion, même si à aucune étape du processus d'élaboration de ce nouveau texte, notre profession ne fut véritablement sollicitée, à tel point que l'on pourrait parler d'éloignement soigneusement élaboré...
En réalité, la notion de "harcèlement moral au travail" a été inventée il y a quelques années, non par des médecins de terrain, mais par des juristes et des syndicalistes. A l'Assemblée Nationale, voici environ deux ans, et le même jour, furent votés trois textes:
-le premier sur-judiciarisait la vie de famille (loi Ayraut, encadrant chaque famille en divorce ou séparation d'un arsenal de juristes et acteurs socio-médicaux agréés par la justice familiale, dépossédant en pratique les parents de leurs prises de responsabilités, et ce à chaque étape de leur vie familiale, les amputant notamment de toute possibilité de concilation ou réconcilation naturelle),
-le second pénalisait les responsabilités présidentielles,
-et le troisième introduisait activement les auxiliaires de justice dans les relations de travail.
Ce troisième volet de la dérive judiciaire en matière de travail, de famille et de patrie, fut concédé au PC par le PS, deux des partis alors au pouvoir.
Le syndicalisme étant devenu en France ce que l'on sait, les rapports de force jusque-là sociaux se sont réduits à une métamorphose aberrante: ils se sont en effet objectivement apauvris, comme le disait déjà Hegel, en rapports judiciaires, se réduisant donc au stade le plus maigre des rapports humains. Ce sont maintenant des professions libérales qui affirment défendre, mais bien sûr contre honoraires substantiels, ce que l'on pourrait carricaturer par l'expression "la France d'en Bas, harcelée par la France d'en Haut"...
En réalité, les abus de pouvoir ont toujours existé, en entreprise comme ailleurs: par exemple à l'atelier, entre voisins, entre conjoints, ou dans les fraties.
Les faits simultanés d'avoir politiquement créé de toutes pièces un nouveau délit de définition réellement ambigue, puis d'avoir syndicalement encouragé les dépôts de plainte pour "harcèlement moral au travail", évoquent une autre dérive contemporaine, pseudo-médicale: je veux parler de l'invention de "nouvelles cliniques". Certains médecins semblent fascinés par la recherche, la "découverte" et la "description" de nouvelles "maladies", spécialement dans la sphère thymique ou psychique, cette mâne s'alimentant surtout de la notion de "stress", notion aussi floue qu'a-médicale.
Mais il est à noter qu'après les dernières élections présidentielles et les chocs de l'abstentionnisme et des votes extrêmistes, deux des feux de la sur-judiciarisation ont été éteints, le troisième étant malheureusement attisé, en soufflant sur les cendres de la famille pourtant judiciairement exploitée depuis trente ans.
-Pour ce qui concerne le travail, le plaignant devra à présent prouver être "harcelé".
-Pour ce qui concerne notre patrie, de nombreux députés ont oeuvré afin qu'un juge ne soit plus capable de soumettre un Président de la République à sa discrétion.
-Mais pour ce qui concerne la famille, troisième volet de la trilogie post-pétainiste, étape nécessaire de toute vie civilisée respectueuse de l'Autre, mais aussi première source de rapport des avocats français, les choses sont pour eux et pôur eux seuls très rassurantes: les divorces seront facilités, banalisés, accélérés, et démoralisés. Pour ce qui concerne les médiations parentales, elles seront habilement et légalement détournées dans les cabinets.
A la lumière de cette trilogie de la sur-judiciarisation étouffant les échanges sociaux, force est de constater qu' un tiens qui rapporte beaucoup vaut donc toujours mieux que deux tu l'auras, qui rapportent moins.
Au royaume de l'ultra-libéralisme, il faudrait donc être aveugle pour ne pas voir que la loi de la jungle sait s'organiser en état de nature, quand les lobbies exercent là où il faut et quand il le faut, leurs pressions que seuls des esprits chagrins pourraient appeler des harcèlements corporatistes
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