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 Quelle autorité parentale ?

Proposition de loi N° 3074 de Monsieur Jean-Marc AYRAULT relative à l'autorité parentale

ANALYSE CRITIQUE

Le 17 mai 2001, l'Assemblée Nationale a enregistré la proposition de loi N° 3074 de Monsieur Jean-Marc AYRAULT, représentant les membres du Groupe Socialistes et Apparentés, proposition de loi relative à l'autorité parentale (sujet: famille).

Cette proposition fut discutée en juin 2001, à côté des discussions sur le harcèlement au travail, les plans de licenciements collectifs, et l'immunité pénale du Chef de l'Etat.


Après analyse du contenu de cette proposition, mais aussi au vu du contexte historique dans lequel cette proposition de loi vient prendre place, nous pouvons faire les constats suivants:

-d'une part, cette proposition de loi, dans le contexte judiciaire actuel, n'est pas respectueuse des engagements solennels pris par la France en 1990, puisque le Président de la République alors en fonctions ratifia au nom du peuple français la Convention Internationale des Droits des Enfants;

-et d'autre part, cette proposition de loi, par son contenu, n'est nullement une application interne des préceptes de cette Convention ratifiée, application qui serait enfin venue remédier aux dénis constitutionnels actuels en matière de traitement politique (et donc de traitement socio-judiciaire) des familles disloquées.



1) RAPPEL HISTORIQUE.


C'est en 1990 que fut ratifiée par la France la Convention Internationale des Droits des Enfants, enregistrée officiellement sous forme de décret.

Comme toute Convention ratifiée, ses préceptes s'imposent à tout citoyen du pays ayant réalisé cet engagement solennel: le personnel politique et judiciaire n'échappe pas à cette règle fondamentale, fixée par l'article 55 de notre Constitution du 4 octobre 1958.

Ces préceptes de cette Convention (et notamment pour ce qui concerne la problématique des séparations parentales, les articles 2, 9, 12, 16, 18 et 29) sont légalement supérieurs en droit à tout texte interne éventuellement contradictoire, et s'appliquent dans le silence de la loi sur les sujets abordés.

Au demeurant, des débats à l'Assemblée Nationale survenus quatre ans après ratification ont rappelé cette règle de base de notre fonctionnement républicain.

Sans même remonter aux lois de 1970 et suivantes qui marquèrent l'effacement de la puissance paternelle et la montée fulgurante et objective du pouvoir maternel (et d'ailleurs sans qu'il y ait jamais eu équilibre des pouvoirs parentaux par non-discrimination des devoirs, droits, et libertés fondamentales de tout parent), nous pouvons nous référer à la dernière loi relative à la famille, celle du 10 janvier 1993.

Cette loi, adoptée aux alentours de minuit dans une assemblée quasi-désertée, a montré sa totale faillite, à tel point qu'après sept ans, il faut de nouveau la "réformer".

Elle avait déjà pour objet affirmé d'établir une certaine équité en matière d'autorité parentale, et de respecter ce que l'on appela sans rien préciser de plus, les "droits des enfants".

Or, deux mois plus tard, en mars 1993, le pouvoir judiciaire, par l'intermédiaire de son autorité suprême, la Cour de Cassation (arrêt "LEJEUNE"), affirmait que la Convention Internationale des Droits des Enfants ratifiée trois ans avant n'était pas applicable en droit interne français.

Dès lors apparaissait un conflit d'autorité, paradoxal, du moins en apparence, entre le pouvoir politique ayant ratifié une Convention au nom du Peuple Français, et le pouvoir judiciaire ayant vidé de son sens cet acte solennel, toujours au nom du peuple français.

Mais aussi, dès lors, le législateur ne pouvait plus ignorer que le droit objectif allait nier ses engagements les plus fondamentaux.

Notons à cet égard qu'il s'agit non seulement d'engagements républicains, Monsieur MITTERAND étant Chef d'Etat, mais aussi d'engagements politiques, le même groupe étant actuellement aux commandes de l'Etat.

Ce n'est pas hasard si Monsieur FABIUS, Président de l'Assemblée Nationale, répondant à ce sujet à une association le 12 mars 1998, en qualité de Président de la Commission d'Enquête sur l'Etat des Droits de l'Enfance, déclara: "le problème que vous soulevez mérite incontestablement d'être examiné" (ce qui ne fut pas le cas), et si Monsieur ROSENCZVEIG, président du Tribunal des Enfants de BOBIGNY répondit quant à lui à la même question et à la même époque , au sein même de l'Assemblée Nationale: "l'arrêt de Cassation LEJEUNE est une énorme bourde, mais le Conseil d'Etat va être saisi" (ce qui ne fut pas le cas).





C'est dans ce contexte malsain, où deux pouvoirs semblent se servir des ambiguïtés artificiellement construites et se rejeter la balle sans prendre leurs responsabilités personnelles, qu'une nouvelle proposition de loi apparaît, réformant la précédente, alors que dans l'intervalle le pouvoir judiciaire est venu contrecarrer de la façon la plus pesante l'application interne d'une Convention.

Or il apparaît que:

-cette nouvelle proposition de loi ne contient aucun article qui vienne directement imposer à tout citoyen, qu'il soit parent, juge ou auxiliaire de justice, de respecter la Convention des Droits des Enfants,

-et elle place, plus encore que les précédentes lois relatives à la famille, la résolution éventuelle des conflits et la reconnaissance de l'exercice parental sous le contrôle des juges de la famille et des auxiliaires de justice, étendant d'ailleurs le pouvoir des juges à la supervision de médiations de pratique et d'éthique d'ailleurs non définies.


Dans ces conditions, il doit être clairement déduit que le législateur renonce à l'application des préceptes d'une convention qu'il a précédemment ratifiée, et ce faisant renonce au sens de ses engagements politiques, mais en affirmant paradoxalement vouloir donner un sens à l'exercice des fonctions ou missions parentales et recréer des liens entre monde politique et citoyens!

Et ce faisant, le législateur renie également l'article 55 de la Constitution, et se comporte en pratique comme abandonnant ses engagements et une problématique fondamentalement sociale au pouvoir judiciaire, dont il n'ignore pourtant pas ses actes de déni conventionnel.



2) CONTENU DE CETTE PROPOSITION DE LOI

Une analyse fine, article par article, est en cours au sein de nombreuses associations. Mais là n'est pas l'essentiel, loin s'en faut: analyser trop finement cette proposition dans un contexte politico-judiciaire aussi ambigu serait objectivement collaborer à cette ambiguïté.

Cependant un regard global s'impose, afin de savoir si cette proposition corrige ou non les tragiques fourvoiements précédents.

En effet, sans rien changer à cette dérive de l' abandon par transfert de compétences, des missions avant tout politiques et sociales vers le seul pouvoir judiciaire, cette renonciation eut été de gravité atténuée si les articles de cette proposition de loi étaient venus transcrire en droit interne les préceptes conventionnels, sous une forme adaptée à nos moeurs et à nos évolutions sociales (cette possibilité aurait par exemple pu se concrétiser par un texte bien plus court, bien plus équitable, et bien plus respectueux des Conventions ratifiées: j'en ai donné une illustration en dernière page de mon livre: "les séparations parentales: l'impasse judiciaire").

Il n'en est rien, là-encore, et fort malheureusement.





Comment garantir aux enfants que nous leur apprendrons des valeurs morales, les règles de la civilisation, les préceptes de la Convention des Droits de l'Homme, si les comportements parentaux sont totalement indifférenciés?

Egalité n'est ni parité, ni confusion, et demander à notre justice, théoriquement garante de l'Egalité, de la Liberté et de la Fraternité, de maintenir ce nouvel ordre social est éminemment dangereux pour l'avenir.

Dans une société marquée par des comportements traduisant des marques de mépris parfois inouïes entre parents, comment garantir le respect de l'article 29 de la CIDE par les parents si tout acte inter-parental perd son sens moral?

Pourquoi laisser à un juge et ses auxiliaires, au nombre desquels les "médiateurs" semblent à présent pouvoir faire partie, le pouvoir d'accorder une "résidence alternée" aux enfants et à leurs parents à la condition qu'ils le veuillent bien et qu'en pratique la mère bénéficie de toute façon a minima de cette mesure, et surtout si elle n'a pas, comme dans des dizaines de milliers de cas en France, éloigné volontairement les enfants du père pour aller refaire sa vie dans une autre circonscription juridique ou dans la même?

Pourquoi augmenter les pouvoirs du juge, ses contrôles, la lourdeur des textes, pourquoi abandonner de façon aussi claire toutes prérogatives au juge, véritable responsable de la destinée des parents dès lors seulement autorisés à exercer leurs missions, et ce par un pouvoir reniant une Convention ratifiée?

Et surtout pourquoi le faire après s'être engagés dans tant de discours à "déjudiciariser cette problématique", à humaniser la justice, à soulager la justice de missions qui ne lui appartiennent pas (juger les parents innocents et réclamant de l'aide), etc.

Pourquoi déléguer, dans un article remarquablement flou, l'autorité parentale à des tiers sans reconnaître préalablement que l'on a évincé des parents pour servir un ordre familial praticien de l'autoritarisme judiciaire?

Avant tout, il convient d'aider ces centaines de milliers de parents évincés de leurs prérogatives par suggestions idéologiques et discriminations sociales et judiciaires, à se réinvestir dans leurs missions. En effet, en pratiquant le déni du passé objectif et le transfert de compétences des parents biologiques et historiques vers des "remplaçants titularisés", nommés par le parent privilégié en justice, nous écarterions de la volonté de recréer des liens et violerions de nouveau les importants articles 18 et 29 de la Convention Internationale des Droits des Enfants.

Pourquoi toujours parler "d'autorité" quand le mot "responsabilité" qui s'imposerait manque totalement dans cette proposition?

Pourquoi ne pas prévoir et prévenir les cas chaque jour plus nombreux de captation monoparentale, cautionnés par la justice interne, mais interdits par la Convention des Droits des Enfants comme par les articles 8, 12 et 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme?





3) CONTEXTES LEGISLATIF ET POLITIQUE INSTANTANES


Enfin, cette proposition de loi vient d' être débattue en juin 2001 par les député(e)s.

Dans le même temps, la Conférence de la Famille s' est réunie, pour débattre notamment de la médiation, cette sous-commission étant présidée par...une avocate.

Et dans le même temps, les député(e)s ont entre autres débattu de la responsabilité pénale du Président de la République, du harcèlement au travail, des modalités des plans de licenciements...

A nouveau, nous nous sommes acheminés vers un nouveau vote de dernière minute sur un sujet aussi fondamental, et que l'on sait avoir été cruellement négligé depuis trente ans...

Cet engorgement de débats importants ne doit pas faire passer de nouveau sous silence le grave problème des atteintes au fonctionnement républicain, ni celui des démissions politiques, que révèlent à l'évidence cette proposition réformant le droit de la famille. En effet, elle ne garantit nullement l'Egalité, la Liberté et la Fraternité à l'échelon le plus intime de l'éducation des enfants.

Objectivement, cette proposition réactionnelle ne fait que tenter de s'adapter à la résistance des parents, sans rien changer ni réparer.

Les élus sont en effet confrontés aux français(e)s, de plus en plus nombreux, qui se révoltent de plus en plus clairement contre les discriminations et les abus de pouvoir institutionnalisés.

En réalité, cette proposition ne fait que tenter de mieux contrôler une situation chaque jour moins tenable, et tente en pratique d'endiguer les revendications parentales d'exercice démocratique de leurs libertés fondamentales.

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