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Rencontre à la Direction Générale des Affaires Civiles
Le Croisic, le 25/11/2002 17:17:18
Alain Guillou
Mme TELLER
Chef de Bureau du Droit Civil Général
Direction des Affaires Civiles et du Sceau MINISTERE DE LA JUSTICE
13 Place Vendôme
75002 PARIS
Madame la Chef de Bureau,

Madame,


Je vous remercie pour l'accueil que vous nous avez réservé sur la demande de Monsieur le Ministre de la Justice.

J'ai bien noté que, selon vous, l'arrêt de cassation Lejeune de 1993 représentait l'interprétation judiciaire de la ratification de la Convention Internationale des Droits des Enfants par la France.

Vous comprendrez que pour nous, en application de l'article 55 de la Constitution française et d'ailleurs, ainsi que les débats parlementaires le rappelèrent solennellement il y a quelques années, les conventions ratifiées sont applicables par tous, y compris les magistrats.

D'ailleurs, lors d'une réunion-débat organisée à l'Assemblée Nationale, le juge Rosenczveig déclara lui-même devant des associations, des députés, maires et sénateurs que cet arrêt de cassation est, je cite ses propos répétés deux fois à très forte voix: " une énorme bourde".

Aussi, pour nous, l'arrêt Lejeune a surtout permis au personnel judiciaire de conserver les énormes bénéfices secondaires du fléau des séparations parentales, et ce dans le mépris de la Loi.

Vous nous avez par ailleurs déclaré " les juges aux Affaire Familiales sont parfois partiels mais toujours impartiaux". Je me permets de vous faire remarquer que la perception " partielle " d'une problématique aussi intime et fondamentale, tant pour le sens de vivre des adultes que pour l'éducation républicaine et équilibrée des enfants, ne peut dans se domaine que provoquer des altérations inadmissibles de la vie sociale, familiale et professionnelle, comme nous le constatons chaque jour sur le terrain.

Nous avons évoqué le trop grand nombre de suicides et même mentionné les cas d'un crime et d'un suicide qui vous ont touché personnellement lorsque vous exerciez la fonction de juge aux affaires familiales.

Je suis désolé de vous apprendre qu'au sortir de notre réunion, une collègue journaliste m'informait par téléphone de la perte de son meilleur ami suicidé par " ras-le-bol " suite à une séparation conflictuelle. J'ai moi-même été détourné au dernier moment d'un tel acte après avoir subi des violences judiciaires intolérables. Survivant, je suis donc à ce titre bien placé pour comprendre la torture morale implacable infligée à un trop grand nombre de parents, la plupart du temps des pères, que nous rencontrons sur le terrain dans le cadre de notre travail social, militant et associatif.

Je mets ici directement en cause le mercantilisme d'une profession dont le texte de la déontologie ne parle visiblement que d'argent, et qui depuis longtemps maltraite des adversaires et des tiers bien au-delà de ce que la décence et le respect des Droits de l'Homme exigent. Comme nous le constatons, il est dès lors facile aux bâtonniers de protéger leur pairs et de décourager la plupart des contestations par la crainte d'un pouvoir absolu ou sinon de la noyer dans des arcannes technocratiques.

Je tiens à vous remercier chaleureusement du fait que vous avez d'une part interrompu pour nous une réunion interministérielle si importante et d'autre part de nous avoir accordé le double du temps qui nous était alloué. Ceci nous a permis un échange constructif, notamment sur cet aspect " partiel " que vous reconnaissez objectivement et qui est malheureusement si destructeur. Je comprends bien votre remarque disant que les magistrats aux affaires familiales sont absolument débordés par un nombre croissant de cas à traiter dans l'urgence.



C'est sur ce point particulier que nous affirmons que les médiations familiales sociales et non mercantiles doivent être mises en place d'abord dans le champ social préventif.

Dans une République sociale (article 1 de la Constitution), l'interprétation de la Convention Internationale des Droits des Enfants doit en effet être d'abord sociale, puis judiciaire, le cas échéant. La société française éviterait par cette politique humaine, de grandes dépenses financières mais aussi un gain de vies humaines évident.

Nos observations de terrain nous permettent de dire qu'une grande partie de la violence juvénile constaté dans notre société provient de la déliquescence des familles occasionnées par les séparations parentales mal traitées.

A ce sujet et en tant que responsable d'association, j'aimerai également attirer votre attention sur l'énorme décalage que je constate entre le peuple français et la justice aux affaires familiales. Ayant constaté votre profond respect des valeurs judiciaires au cœur du pouvoir exécutif de la justice, je suis très sincèrement désolé de vous informer que vous n'imaginez à aucun instant la formidable haine spontanée qui jaillit chez de trop nombreux français dès que vous abordez avec eux le sujet de la justice aux affaires familiales.

J'ai effectué sur ce point une enquête dans la foule d'un super marché pendant deux mois. Sur les centaines de personnes de toutes classes sociales interrogées, j'ai recueilli une minorité d'avis neutres et un seul avis très franchement positif : celui d'un magistrat qui prétendit en début d'entretien être avocat. Le reste n'était que des mots tellement vulgaires et désolants contre la justice que je ne peux même pas vous les citer ici.

Je vous confirme par ailleurs, qu'il m'est arrivé de convaincre un bon père de famille de ne pas commettre, tant sa détresse était profonde, d'actes irréparables sur des tiers ou sur lui-même. Cet homme dépouillé de tout avait perdu sa famille, son emploi, ses biens, tout espoir car il venait aussi de perdre toute notion d'existence de la justice.



Dans le but de prolonger l'extraordinaire qualité de nos échanges, je vous invite à venir constater ces faits sur le terrain car il me paraît de la plus grande urgence de rétablir dans l'esprit du peuple français les notions de respect indispensable de leur justice. Il me paraît tout aussi urgent de rendre ses titres de noblesse au métier d'avocats.

C'est pour cela que nous insistons afin que la CIDE enfin respectée par la justice et surtout mise en oeuvre sur le terrain social. En vous remerciant et dans l'attente de vos nouvelles, je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes sentiments respectueux.

Alain Guillou
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